Mon journal de bord - mars 2025
L'intérêt à agir et pourquoi veut-on toujours contrôler le comportement de l'autre ?
Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle édition de mon journal de bord ! 💫
Dans l’édition de ce mois-ci, j’aborde une question qui revient souvent dans mes formations managers et mes coaching :
Si je fais un effort pour changer mon comportement ou améliorer une situation, comment être sûr.e que l’autre aussi joue le jeu et fasse l’effort ?
Finalement comment je peux m’assurer de contrôler le comportement, la réaction de l’autre ?
Cette question je la retrouve en particulier dans les formations au management collaboratif et à la gestion des conflits que j’anime, deux formations qui invitent les managers participant à prendre conscience des changements de comportement qu’ils peuvent opérer à leur niveau pour influencer une situation.
Comme dans tout processus de changement, s’invitent alors souvent résistances, questions sur l’intérêt à agir et à coopérer ou encore sur sa propre responsabilité.
C’est ce que je vous propose de creuser aujourd’hui.
C’est parti ! ✨

“Et si l’autre ne fait rien ?”
ou pourquoi nous avons cette volonté de contrôler l’autre
Je vais aborder cette question sous l’angle du changement comportemental et en particulier du développement de l’assertivité.
Replaçons-nous dans un contexte individuel ou collectif où, après avoir parler du développement de la posture de coopération et de l’assertivité, j’en viens à présenter le schéma des positions de vie, dont je vous parle souvent ici. Vous vous en rappelez ?
Je vous le remets juste ici :

Après la présentation de ce schéma, en général, plusieurs questions fusent.
Voici un petit palmarès de celles qui reviennent le plus pour comprendre ce qui se cache derrière chacune :
1) “Comment faire en sorte que l’autre aussi soit en +/+, en position de coopération ?”
Dans cette première question, la réaction instinctive est la volonté de d’abord contrôler le comportement de l’autre.
L’incertitude liée à sa réaction, son comportement vient réveiller chez soi le besoin de sécurité et de prévisibilité, qui active alors ce réflexe de contrôle. On le sait, notre cerveau a horreur de l’incertitude et va donc avoir tendance à la réduire au maximum.
Face à une situation d’incertitude, notre cerveau active l’amygdale, centre de la peur et du stress, ce qui peut déclencher des comportements de contrôle pour réduire l’anxiété.
En voulant contrôler la personne, le manager cherche souvent à restaurer son propre sentiment de sécurité plutôt qu’à résoudre réellement la situation.
2) “Oui mais s’il a fait une erreur c’est normal de se positionner en supériorité (+/-) avec son collaborateur, non ?”
Dans ce cas là, on se place pleinement dans l’héritage du management directif.
Pour beaucoup de managers ayant évolué avec des modèles de management traditionnels, légitimité et autorité riment avec contrôle : c’est le fameux modèle “command and control” qui repose sur le fait que diriger, c’est maîtriser. Il est évident que dans notre monde complexe, incertain et mouvant, ce modèle a montré ses limites.
La peur qui peut alors s’exprimer est celle de la perte de légitimité. Derrière la perte de contrôle, il y a souvent la peur de ne pas être respecté, de ne pas être écouté.
Il s’agit bien plutôt d’un amalgame entre contrôle des comportements des autres et autorité, quand celle-ci repose davantage sur la cohérence et la clarté, mais nous y reviendront dans un instant.
3) “Moi je veux bien être coopérant et assertif, mais que faire si l’autre ne l’est pas ?”
Cette question est intéressante et c’est peut-être celle qui revient le plus.
Ce que j’entends derrière, c’est plusieurs choses :
La question de la responsabilisation : quand notre premier réflexe est celui de vouloir corriger l’autre, on peut questionner notre capacité à se remettre en question, et à se responsabiliser.
la question de l’intérêt à agir, l’intérêt à coopérer qu’on retrouve dans tout processus de changement avec ces résistances que cela peut engendrer.
En bref, pourquoi cherchons nous à contrôler face à l’incertitude ?
Parce que notre cerveau cherche la sécurité et la prévisibilité et active le stress quand il ne l’a pas.
Parce que nous avons un biais qui nous fait croire que plus de contrôle = plus de sécurité.
Parce que nous avons appris à associer contrôle et compétence.
Parce que nous avons peur de perdre notre crédibilité
Quand le dilemme du prisonnier s’invite dans nos postures managériales
En fait, ces questions m’ont replongée dans mes cours très lointains de microéconomie et notamment sur le dilemme du prisonnier en théorie des jeux, avec cette notion d’intérêt ou non à coopérer.
La question qui se pose est : “Quel est mon intérêt à jouer le jeu si je ne sais pas comment l’autre va réagir ?”
Qu’est-ce que le dilemme du prisonnier ?
C’est une situation où deux individus qui ont commis un délit doivent choisir entre coopérer ou trahir, sans connaître à l’avance la décision de l’autre.
Si les deux coopèrent, ils obtiennent un bon résultat mutuel.
Si l’un coopère et l’autre trahit, le coopérant est perdant, il va en prison et le traître gagne plus, il est libre.
Si les deux trahissent, ils sont tous les deux perdants
Le problème derrière ce dilemme : la peur que l’autre ne joue pas le jeu pousse souvent à la défiance et au contrôle, au lieu d’un choix basé sur la coopération.
Conclusion : la poursuite de l’intérêt individuel ne permet pas toujours d’atteindre l’optimum social.
À craindre que l’autre ne joue pas le jeu, à anticiper la trahison potentielle, le manager va avoir tendance à imposer du contrôle pour ne pas être perdant.
Mais ce contrôle excessif peut créer un cercle vicieux
Le collaborateur, se sentant contrôlé, réagit par défiance ou passivité.
Le manager voit cette réaction comme une confirmation que "sans contrôle, ça ne marche pas" et renforce encore son contrôle : on est pile poil dans ce qu’on appelle les prophéties auto-réalisatrices ou encore l’effet Pygmalion.
C’est finalement l’équivalent de deux prisonniers qui finissent par se trahir mutuellement par peur, au lieu de coopérer.
Comment alors sortir de ce dilemme ?
ou la force de l’influence
On le voit bien, plus on anticipe que l’autre ne joue pas le jeu, plus l’on devient méfiant et rigide, alimentant ainsi potentiellement le comportement qu’on redoute.
Comment alors se détacher de ce besoin de contrôler l’autre et opérer les changements de comportements à son propre niveau ?
Je vous propose deux réflexions avec pour chacune des questions d’auto-coaching associées.
Autorité = influence vs contrôle
Et si on associait à l’autorité la capacité à influencer son environnement plutôt que la capacité à le contrôler ?
C’est en tout cas l’essence même du leadership et du management collaboratif.
Je vous en parle maintenant régulièrement, le meilleur moyen de passer à l’action, c’est de se concentrer sur sa zone d’impact et d’influence. Avec par exemple ces simples questions à se poser :
“Qu’est-ce qui dépend de moi, ici et maintenant ?”
“Si tout mon environnement est rigide, comment puis-je être un levier de changement local, même minime ?”
Pour rappel, les cercles de Covey permettent d’identifier le bon niveau sur lequel s’engager pour véritablement être à même de passer à l’action : globalement, l’idée et de s’engager pleinement sur ce qui est dans sa zone de contrôle (son comportement, ses compétences, sa posture) puis sur l’influence que l’on peut avoir sur les personnes avec qui l’on travaille et de lâcher prise sur sa zone de préoccupation, dans laquelle on retrouve notamment le comportement des autres.
Un levier simple et pourtant primordial pour permettre à un manager d’influencer son environnement, est de poser un cadre clair de fonctionnement, de collaboration, d’agir en cohérence avec ce cadre et de développer la confiance a priori envers ses équipes pour respecter ce cadre. C’est aussi avec une bonne communication que cette influence peut s’opérer.
On tire alors sa légitimité dans l’influence et la confiance plutôt que le contrôle.
Le changement de comportement par soi, pour soi
Beaucoup de managers se demandent “comment être assertif face à quelqu’un qui ne l’est pas ?”
En réalité, cette question suppose que l’assertivité dépend de l’autre, alors qu’elle ne dépend que de soi-même.
L’assertivité ne consiste pas à corriger l’autre mais à incarner ce que l’on prône, avec confiance et affirmation de soi, dans le respect de l’autre.
Deux questions que l’on peut se poser :
“Comment puis-je rester aligné.e et clair.e, peu importe la réaction de l’autre ?”
“Qu’est-ce que je gagne moi à modifier ma posture ?”
Dans mes coachings et comment dans mes formations, il est toujours question du changement pour soi puis de l’impact que cela peut avoir sur son environnement, sur les autres.
Voir les choses sous cet angle, c’est affirmer que changer son mode de management et son comportement, c’est aussi et surtout :
moins de stress et de conflits au sein de l’équipe
Une meilleure relation avec l’équipe, ce qui améliore le quotidien
Plus de clarté et donc plus d’impact
En conclusion, on peut dire que vouloir contrôler l’autre part souvent d’une bonne intention, celle de garantir un bon fonctionnement dans son équipe, mais c’est un piège qui nuit à sa propre responsabilisation comme à celle des membres de son équipe.
Pour diriger efficacement en tant que leader, manager, on cherchera alors moins à corriger et contrôler l’autre qu’à créer les conditions pour permettre à chacun de prendre ses responsabilité, grâce notamment à un cadre clair, une confiance a priori et une bonne communication.
Et vous, qu’est-ce qui vous permet de passer du contrôle à l’influence ? Dites le nous en commentaire !
C’est fini pour aujourd’hui, à la prochaine ! ✌️